Monarchie de Juillet...

 
Un régime aux évolutions notoires et durables

La Monarchie de juillet s'inscrit dans la lignée, certes très mouvementée, des régimes qui suivirent la Révolution de 1789 avec pour ambition d'établir un régime politique stable prenant en considération les manquements qui furent à l'origine la chute de l'Ancien Régime.

 

Evolutions et réformes du système politique français

Lors de l'établissement de la Restauration en 1814, les royalistes souhaitèrent marquer la continuité du régime nouvellement créé avec l'Ancien Régime. Aux termes de « constitution » ou « acte constitutionnel » considérés comme trop liés à l'esprit de la Révolution, on préféra une « Charte constitutionnelle ». Cette charte serait davantage une concession du roi au peuple qu'une volonté populaire qui lui serait imposée, comme le soulignait la dernière phrase du préambule de la Charte du 4 juin 1814 : « Nous avons volontairement, et par libre exercice de notre autorité royale, accordé et accordons, fait concession et octroi ». Ce préambule, qui avait pour objet d'expliciter la volonté de continuité avec l'Ancien Régime dans l'esprit des ordonnances promulguées de Louis le Gros à Louis XIV, fut supprimé de la Charte du 14 août 1830.

L'instauration d'une République fut évoquée et même vivement scandée dans les rues de Paris. Mais le spectre de 1793 et la Terreur n'est pas si loin et on s'accorde rapidement entre royalistes et libéraux pour mettre en place une monarchie parlementaire libérale. Le journal libre le National parle d'une « république déguisée sous une monarchie ».

Il ne s'agit pas de s'atteler à la rédaction d'un nouveau texte mais de modifier la Charte instaurée en 1814 pour la faire évoluer. Il convient de rappeler que la Charte originelle est certes fortement emprunte des dispositions rappelant l'Ancien Régime, il n'en demeure pas moins qu'à la demande de Louis XVIII l'esprit de la Charte s'inspire des institutions britanniques que ce dernier a eu le loisir de connaître durant son exil en Angleterre. C'est donc son application qui déterminera en premier lieu de son caractère démocratique.

La monté sur le trône du duc d'Orléans le 9 août 1830 sera marquée par une inversion vis à vis de la légitimation qui a toute son importante ; ce furent les deux Chambres parlementaires qui votèrent une résolution proclamant la vacance du trône et qui appelèrent Louis-Philippe à régner. Ainsi, avant de pouvoir accéder véritablement au trône, Louis-Philippe a dû accepter le 9 août la Charte telle qu'elle venait d'être modifiée par le parlement et reconnaître tenir d'elle la légitimité de son autorité. L'investiture du nouveau eu lieu à l'Hôtel de Ville de Paris, qui s'était illustré par le passé comme étant un haut lieu des mouvements populaires.

Le fils de Philippe-Egalité, qui avait combattu dans les rangs des armées de la Révolution en 1792 et issu donc de la famille des Orléans réputée de longue date comme libérale face aux Bourbons, ne tient donc pas son trône de droit divin mais le doit aux Français. Louis-Philippe Ier sera donc un « roi des Français », par opposition aux précédents monarques, à l'exception de Louis XVI en 1791-92, qui règne en tant que « roi de France ». Celle évolution symbolique dont la signification est forte consacre ainsi le principe de souveraineté nationale établi par l'Article 66 au détriment des principes antérieurs qui réduisaient les Français à de simples sujets. La Monarchie de juillet peut donc être considérée comme contractuelle, dans la mesure où les textes de la Charte ne mentionnent à aucun un moment une quelconque légitimité de l'accession au pouvoir de Louis-Philippe Ier.

Il est important de souligner que la roi recherche la conciliation avec les libéraux ; celui-ci choisi délibérément de ne pas se faire appeler Philippe VII pour marquer sa différence avec ses prédécesseurs. D'autre part, le drapeau tricolore des armées de l'an II, brandit lors de la Révolution de 1789 comme sur la barricades des Trois Glorieuses, devient le drapeau national (Art. 67). Les trois couleurs, attribuées à tors aux Orléans, marquent le changement par rapport aux drapeaux et cocardes blanches à fleurs de lys réintroduites en 1814.

 

Vers un régime parlementaire

Tel qu'en dispose la Charte depuis 1814, le parlement est constitué de deux chambres ; la Chambre des pairs et la Chambre des députés.

La Chambre des pairs, qui se veut la réplique française de la Chambre des lords (« House of Lords »), est composée de pairs nommés à vie ou tenant leur place de droit héréditaire ainsi que les membres de la famille royale. Le roi pouvait à loisir effectuer des « fournées de pairs », c'est à dire influer sur les tendance politiques dominantes de l'assemblée en nommant à loisir des nouveaux pairs (Art. 27 de 1814). Le caractère héréditaire de la pairie aboutissait dans les faits à la constitution d'une aristocratie de familles plus ou moins anciennes, mais toujours bien pourvues. La loi du 29 décembre 1831 supprime donc le droit royal de nomination de la pairie. La chambre haute cessera dès lors de jouer un rôle politique important et sera placée sous le contrôle direct du roi et de ses ministres.

Les députés composant la chambre basse sont élus pour un mandat de cinq ans, à l'exemple de la Chambre des communes (« House of Commons ») par 459 collèges électoraux.

Bien que plus souvent dictés par les clivages de personnages que d'idées, des groupes parlementaires se forment peu à peu à la Chambre de députés.

Les séances des deux assemblées deviennent publiques, contribuant ainsi à la transparence des institutions, même si la séance peut devenir un « Comité Secret » à la demande d'au moins cinq députés (Art. 38).

La Charte de 1814 ne prévoyait pas, pour des raisons évidentes, la responsabilité politique du roi vis-à-vis des parlementaires. Mais elle ne prévoyait pas non plus de telles dispositions pour les ministres composant le gouvernement ou « ministère », ne serait-ce que devant le roi. Ainsi il était aisé pour ce dernier, durant la Restauration, de gouverner sans se soucier de ses ministres en choisissant délibérément des personnalités effacées ou en avivant des rivalités personnelles.

Profitant de ce flou juridique, les parlementaires n'ont cessé d'accroître leur influence durant la fin de la Restauration par le biais d'adresses et de pétitions, créant de fait la nécessité d'un soutien parlementaire au ministère. Dans le cadre légal, le contrôle du pouvoir exécutif s'effectue également par la discussion et le vote du budget et par l'interpellation des ministres à partir de 1831 (Art. 47). La Charte de 1830 sera ainsi l'occasion de formaliser et instituer un certain nombre de coutumes que le régime de la Restauration avait refusées. L'obligation d'obtenir la confiance des parlementaires contribuera par la suite à encrer progressivement le régime parlementaire dans les institutions politiques françaises, et plus particulièrement dans les IIIe et IVe Républiques.

Si Louis XVIII avait appliqué la Charte de 1814 de manière assez libérale, Charles X avait au contraire recouru à tous les moyens que la Charte mettait à disposition pour tenter de rétablir une monarchie absolue à la fin de son règne et avait notamment tenté à la fin de son règne de reprendre l'initiative sur ses députés grâce à quatre ordonnances publiées le 25 juillet 1830. Les députés prennent donc acte de cette source d'abus et font supprimer de l'Article 14 la mention sur le droit de légiférer par ordonnance lorsque la « sûreté de l'Etat » est en cause. Il conserve le droit d'ordonnance uniquement pour « l'exécution des lois » sans « pouvoir les interpréter, ni les suspendre ».

Le roi conserve certes l'initiative des lois que lui conféraient l'Article 16 de la Charte de 1814, mais il le partage désormais avec les deux chambres (Art. 15). Les chambres disposent désormais du droit d'amendement (Art. 39). Ainsi le rééquilibrage de l'exercice du pouvoir législatif entre le roi et le parlement se fait donc en faveur du dernier. En outre, les ministres peuvent avoir un mandat de parlementaire dans l'une des deux Chambres (Art. 46), ce qui assure un certain dialogue entre le ministère --une partie de l'exécutif-- et le parlement --une partie du législatif. De plus, ces liens ont derechef pour conséquence d'asseoir l'influence du parlement sur les membres du ministère, comme sous la IIIe et la IVe République.

Contrairement aux dispositions la Constitution de 1791, le roi dispose du droit de dissolution de la Chambre des députés (Art. 42) et en convoquer une nouvelle dans les trois mois qui suivent. Ce droit de dissolution permet de faire appel à l'opinion publique pour sortir de situations de blocages.

Enfin, il n'existe pas de contrôle de la constitutionnalité des lois à proprement parler, mais toutes les lois et ordonnances allant à l'encontre de la Charte sont considérées comme « annulées et abrogées » (Art. 70), ce qui permet d'affirmer la primauté de la Charte constitutionnelle par rapport tout texte à valeur juridique.

Ainsi, après modification de la Charte, on assiste donc à une délégation de pouvoir à des élus, à une responsabilisation politique de représentants de l'exécutif et de l'effacement relatif d'une assemblée aristocratique au profit d'une assemblée réputée représenter le peuple français. Le Président du Conseil élu par la Chambre des députés dirige le gouvernement adossé à l'assemblée, permettant de fait le fonctionnement d'un système de monarchie parlementaire.

Même si pouvoir judiciaire reste effacé et dépend du pouvoir exécutif, la Charte définit une séparation des pouvoirs plus claire avec des liens entre exécutif et législatif.

 

L'extension du corps électoral

Parallèlement à ce nouvel équilibre entre les deux chambres, les députés souhaitaient adjoindre des réformes plus concrètes portant sur la révision des conditions financières, qui déterminent l'accès au vote, le cens, et à la candidature de député. Le philosophe du XVIIIe siècle Montesquieu affirmait qu'il « est aussi important [de] régler comment, par qui, à qui, sur quoi, les suffrages doivent être donnés, qu'il est dans une monarchie de savoir quel est le monarque, et de quelle manière il va gouverner », De l'esprit des lois.

C'est donc un acte marquant de la Monarchie de juillet que l'adoption, le 19 avril 1831, d'une loi conduisant à la diminution de 300 à 200 francs la contribution annuelle et ramenant de 30 à 25 ans l'âge minimum nécessaire pour voter. Cette même loi réduisit également de 1 000 à 500 francs et de 40 à seulement 30 ans les exigences pour se présenter en tant que candidat aux élections à la Chambre des députés. Ces dispositions firent passer le nombre d'électeurs de 94 600 en juillet 1830, à 167 000 en juillet 1831. L'expansion économique, et l'enrichissement qui en découle, permettra par la suite à davantage de Français de pouvoir s'affranchir du cens de 200 francs. Afin d'étendre encore davantage le droit de vote aux catégories sociales jugées dignes d'en disposer, comme les avocats, les professeurs ou les médecins ; les personnes exerçant certaines activités ou fonctions seront dispensées de cens par une loi votée la même année. D'autres comme les officiers à la retraite et les membres de l'Institut bénéficièrent d'un « demi-cens » de 100 francs. [1814 : Art. 38, 40 / 1830 : Art. 38, 40]

Toutefois, ceux qui ne peuvent régler le cens ne sont pas pour autant totalement écartés de la vie politique. La loi du 21 mars 1831 accorde en effet des droits de représentation au peuple. Quelques citoyens sont inclus dans le corps électoral afin de nommer les Conseils généraux et les Conseils d'arrondissement qui étaient auparavant désignés par le pouvoir royal. Pour un nombre important de Français, cette loi permettra l'émergence de débats politiques. Tudesq conclut dans La France au XIXe siècle que cela a abouti, en autorisant un « élargissement de l'activité publique qui a contribuée, à long terme, à faire pénétrer un comportement plus démocratique, comportant et non idéologie. »

 

Education, culture et liberté

Une véritable démocratie est un régime dans lequel le peuple serait à même d'apprécier à leur juste valeur les propositions, les actions et les conséquences de la vie politique et de ses acteurs. Or ceci ne peut être possible que grâce à un certain niveau d'éducation et de culture. Un régime autoritaire cherchera au contraire à se protéger en maintenant le peuple dans l'ignorance et en le privant de toute matière à réflexion.

A travers la loi Guizot du 28 juin 1833 portant sur l'enseignement primaire, on ne peut qu'apprécier une véritable volonté d'améliorer le système éducatif en en confiant la responsabilité aux pouvoirs publics, alors qu'il était auparavant dispensé par l'Eglise. L'enseignement devient alors en partie laïque. Certes l'école ne sera pas obligatoire avant 1880, elle n'est pas nécessairement gratuite, mais l'œuvre de la Monarchie de juillet est non négligeable puisqu'en 1829 et 1847, le nombre d'enfants scolarisés dans le primaire passe d'environ 140 000 à près de 3 530 000. Le dessein du régime concernant l'éducation doit être appréhendée en ayant la l'esprit l'intention de ne pas écarter la classe moyenne.

Du reste, les programmes d'apprentissage du secondaire visent à donner une instruction aussi variée que complète. La formation prévoit l'éventualité d'une orientation vers de nombreux postes, y compris des responsabilités au sein de l'Etat. Le système éducatif en place entre 1830 et 1848 ne se destine donc pas à former à des compétences particulières et limitées, et l'appareil reste relativement ouvert à ceux qui aspirent à y prendre part.

Une des quatre ordonnances publiées le 25 juillet 1830 par Charles X supprimait la liberté de la presse et rendait nécessaire l'obtention d'une nouvelle autorisation pour tout journal souhaitant être publié. Le rétablissement de la liberté de la presse en 1830 désormais garantie par l'Article 8 permis un développement rapide la presse avec le retour la liberté d'informer et d'être informé. Son développement suscite des débats politiques, notamment grâce au grand nombre de journaux dans la capitale comme dans les villes de Province. L'accroissement du nombre de tirages et les publications commerciales permettent progressivement de faire baisser les prix des journaux.

La révolution de 1830 donna lieu à la manifestation d'une forte hostilité à l'égard du clergé. Sous l'impulsion des républicains anticléricaux, la Monarchie de juillet s'affranchira donc de l'influence de l'Eglise religion « catholique, apostolique et romaine » instaurée religion d'Etat sous la Restauration (Art. 6) malgré la liberté de croyance (Art. 5) et proclamera la laïcité de l'Etat. Le roi y voit également un prétexte pour se soustraire de la tutelle contraignante de l'Eglise. La scission progressive entre l'Etat et l'Eglise donnera lieu à une baisse significative du budget alloué à l'Eglise, et le représentants du pouvoir s'abstiendront de participer aux cérémonies religieuses.

Concernant les libertés individuelles, la Monarchie de juillet conservera l'Article 4 de la Charte qui dispose que les libertés fondamentales ne sont plus octroyées aux Français, mais considérées comme des droits naturels.

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